Points de vue
Idées et opinions

Dieu est-il nécessairement grand?
Préambule
Les petits et les grands dieux
Quand Dieu devient petit... tout petit
C'est bien, un dieu tout petit petit?

Et Dieu créa...
Le christianisme est-il monothéiste?
Marie, vierge et déesse mère
Comment donc classer cette "mère de Dieu"? Car, si elle est bien (existentiellement) la mère de Jésus, elle devient la mère du Fils de l'Homme. C'est déjà pas mal, et à mon sens suffisant. Mais la notion de consubstantialité amène (rhétoriquement) à la considérer comme la mère de Dieu, puisque le Fils = Dieu. Aïe! N'avons-nous pas là, de fait, affaire à une figure typique de la déesse mère? La génitrice, des humains... et de Dieu. Et c'est alors que les théologiens sont retombés dans la mythologie. Marie est devenue une figure mythologique. Extrêmement puissante, puisqu'elle devient alors la Matrice originelle. C'est pourquoi l'on s'est entre-tué à son sujet et que l'Église du Christ est toujours déchirée sur la question du "statut" de Marie de Nazareth. Les catholiques la vénèrent comme Mère de Dieu et de l'Église et, pour faire bonne figure, lui confie des missions d'intercession. Les protestants, eux, réfutent la notion de "mère de Dieu" (froids, ces gens du Nord ! C'est quand même bien d'avoir une maman dans son histoire). Le paradoxe, c'est que, si le christianisme est bien un humanisme, il n'en est pas moins une religion qui se dit monothéiste.
1° Dieu n'est pas nécessairement grand, mais quand même. Plus il est grand, plus il est unique. Plus il est petit, plus il est universel.
2° Monothéiste, la religion chrétienne ne l'est pas à proprement parler. Mais elle n'a rien à gagner à ne pas l'être.

Délivre-nous du Mal
Jésus a vaincu la Mort, mais... Le Mal nous captive toujours autant ! Satan est finalement très fort, il n'a pas fini de donner du fil à retordre au Bon Dieu. Et dans des périodes comme en a connu le XXe siècle (avec les abominations perpétrées par Hitler, Staline, Mao Zedong ou Harry Truman, pour ne citer que les plus dévastateurs) et comme nous en vivons maintenant encore (avec les guerres larvées, le terrorisme, les attentats à répétition et la floraison de dictateurs de tout poil), on se demande si le Diable ne dirige pas, sinon le monde, du moins l'âme des humains. Le pire est que cette histoire ne date pas d'hier, mais qu'elle semble au contraire être le moteur de notre Histoire. De là à considérer que le Malin est l'adversaire du Dieu amour et que nous sommes les jouets d'un combat incessant et acharné entre les forces du Bien et celles du Mal, il n'y a qu'un pas, que le manichéisme chrétien a volontiers franchi. D'un côté, le Bien, de l'autre, le Mal, et que le "meilleur" gagne! La question conséquente est : qu'est-ce que ce Mal, cette force, si puissante qu'elle puisse s'opposer à Dieu le Tout-Puissant, jusqu'à le tenir en échec? Les humains? La femme? Un dieu? Eh bien, l'affaire n'est pas si claire qu'on veut bien le dire. En effet, le Dieu unique, Yahvé/Allah, s'oppose en tout premier lieu à d'autres forces, les dieux des "idolâtres", c'est-à-dire aux dieux pas uniques, réduits au rang de puissances maléfiques, démons, etc. Avec le témoignage de Jésus, rapporté dans le Nouveau Testament, ça se radicalise un peu: "Celui qui n'est pas avec moi est contre moi." Or Dieu le tout-petit est lui-même mis à l'épreuve de la tentation par Satan, qui, toutefois, n'a pas réussi à le dépraver. Jésus chasse les démons et toute chose mauvaise, se présentant ainsi comme le Dieu de bonté et s'assimilant à l'amour. Dieu est Amour. Une étape supplémentaire sera franchie par l'Apocalypse ("la Révélation") de Jean de Patmos. Le texte érige les forces du Mal en ennemi du Christ sous la forme de la Bête (dont le chiffre identitaire est 666). Le Christ sort vainqueur de l'ultime combat, qui marque la fin du monde par le Jugement dernier. Mais n'est-ce pas mettre le Malin à l'égal de Dieu - ce qui représente le péché suprême et ce pourquoi, d'ailleurs, Jésus fut crucifié ("Il s'est dit l'égal de Dieu"!!) ? Certes, égal pas tout à fait, puisque Satan est vaincu in fine; mais il est le dieu à abattre
Si j'en reviens au propos qui nous intéresse, nous avons manifestement affaire avec Satan à une divinité supplémentaire, sur laquelle, du reste, la religion chrétienne s'étaye (combattre le Mal, faire le Bien, choisir le bon camp, pratiquer la justice, rejeter les mauvais penchants, les démons...). Ce qui ne va pas du tout dans le sens d'un monothéisme. En effet, la religion chrétienne s'encombre de divinités mineures (qu'elle ne reconnaît pas comme déités), dont la plus vénérée est sans conteste la Vierge mère (Marie), et la plus puissante, Satan. Il est en outre intéressant de voir que la figure du Malin et son importance ont évolué entre l'Ancien Testament et les lettres de Paul de Tarse. À l'origine, il est décrit comme "la forme accomplie de la perfection, plein de sagesse et parfait en beauté" qui habite la Montagne de Dieu. Mais, apparemment, cela ne lui suffisait pas, puisqu'il s'est révolté et qu'il fut précipité de la montagne sacrée. En guise de châtiment. Mais l'on peut aussi penser qu'il a symboliquement pris son autonomie : Satan agit en son nom, pas au nom de Dieu. Il devient ainsi "l'Ennemi", "l'Opposant" (c'est ce que signifie le nom Satan). En tant que tel, il exerce "le pouvoir des Ténèbres". Mais Jean, le disciple, le nomme "le chef de ce monde" (Jn 12,31); et Paul de Tarse, "le dieu de ce siècle" (2 Cor 4,4). Et voilà ce qu'il fallait démontrer: Satan est un dieu, celui qui guide les agissements "du siècle", c'est-à-dire des hommes et des femmes que nous sommes, ceux de la "race" (saeculum) humaine. Ne serions-nous pas Satan, nous les humains? Comment alors comprendre que Dieu habite le cœur de l'Homme? Que l'Homme se nourrit de Dieu?
La source de vie
Une petite mise au point s'impose: tout se passe comme si le message "extraordinaire" de Jésus de Nazareth n'avait pas été totalement compris, entendu comme un tout cohérent et radical. Lui dit [attention ceci est une libre interprétation, non une citation]: "Je suis un homme, né d'une femme pure, juste et aimante. Mais je suis le Messie, celui que Dieu a revêtu de sa divinité par l'onction sainte, afin de sauver les hommes de leur(s) péché(s). Pour cela, je leur annonce un truc incroyable [traduction du mot évangile]: je suis le Fils de l'Homme que Dieu a investi, je suis la Vie, je m'offre entièrement à eux, de sorte qu'ils peuvent manger la substance divine et boire à la source de vie. Ils deviennent ainsi les réceptacles sacrés de la vie divine. Les temples de pierre ou de bois ne sont pas la demeure de Dieu. Chaque homme est un temple sacré. Comment réussir ce prodige? Simplement en prenant ensemble le repas (du soir) en mon nom, en partageant le pain et le vin de chaque jour. Ainsi le Fils de l'Homme se nourrit de la divinité par l'Esprit saint." Le message est assez simple. Le schéma de la Trinité vient couronner le tout de superbe manière [cf. antérieurement Et Dieu créa...]. Dieu est unique, les "forces du mal" n'existent pas, elles sont de fait "vaincues", puisque le mal est dans la tête des femmes et des hommes qui ne pensent pas avec amour. Et les Hommes sont "enfants de Dieu", comme un fils ou une fille est le "tabernacle" de l'amour de ses parents. Voilà bien une "annonce positive" (eu-angelion, une des façons de lire le mot évangile). Mais cette annonce totalement révolutionnaire a été quelque peu (c'est un euphémisme) enterrée dans des considérations de compromis, d'un côté avec tout l'antécédent juif (auquel Jésus se réfère sans cesse, à la fois pour légitimer son annonce et pour s'en démarquer avec force), de l'autre avec l'Empire romain. L'Église chrétienne s'est en effet bâtie sur ces deux fondations, l'histoire juive et la structure romaine, à l'aide du ciment de la pensée grecque. La religion qu'elle véhicule est devenue passablement compliquée par rapport au message christique. Celui-ci n'a pas besoin que la mère d'un homme soit vierge pour que Dieu le revêtisse de sa divinité. Il n'octroie pas non plus un empire à l'ange des ténèbres, il construit le royaume de Dieu parmi et avec les Hommes. Il ne s'enlise pas dans un dédale de pratiques liturgiques scabreuses, mais préconise de partager son repas, pain et boisson, avec celles et ceux qui veulent manger et boire au nom de Dieu. Et d'accueillir cette nourriture dans la prière en tant que bien commun, ferment de la vie et force divine. Rien que cela pour se préparer à la vie éternelle après la mort.
Rien de plus simple ni de plus roboratif. Toutefois, le message ainsi formulé reste absolument incroyable et tout aussi difficile à faire passer que la complication théologique. Parce qu'il demande avant tout d'être vécu.